Bonjour à toutes et à tous,

Voici l’appel à Forum pour le n° 167 des AAT, à paraître en 1er juillet 2019. Pour cet appel, Patrick Bailleau a choisi pour thème les modifications sociétales concernant la vulnérabilité masculine. L’image actuelle véhiculée par les médias est celle d’hommes qui n’hésitent plus à exposer leur part « féminine ». Il nous a paru intéressant d’avoir votre témoignage de praticien…

Si vous vous sentez concerné par les questions soulevées à la fin du texte, envoyez votre contribution d’ici au 1er mai 2019 dernier délai, sous forme de fichier Word ou open office, à l’adresse mail : aatcomitelecture@gmail.com, en précisant en fin de votre texte vos nom, prénom, profession, lieu de résidence et s’il y a lieu, votre qualification AT (en contrat, CTA, PTSTA, TSTA, ainsi que le champ).

Le Comité de Rédaction vous rappelle les règles éditoriales qu’il s’est fixées pour ce FORUM :

  • Les contributions doivent rester à l¹intérieur du sujet du Forum.
  • Les contributions doivent se conformer aux principes éthiques définis par les institutions d¹AT (IFAT, EATA, etc.).
  •  Les contributions doivent se limiter à 5000 caractères espaces compris.
  • Le Comité de Rédaction se réserve la possibilité de choisir entre les textes proposés, en fonction des contraintes éditoriales.
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C.F

FORUM

L’exposition de la vulnérabilité masculine a-t-elle modifié votre clientèle ?

1975.Propos d’un diplomate et romancier. Lorsqu’il publie « Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable » Romain Gary est interviewé dans « Radioscopie ». Jacques Chancel : « Dans votre nouveau roman [] vous rendez peut-être aux femmes leur juste valeur, mais vous remettez tous les hommes à leur place. Qu’est-ce qu’ils prennent les hommes ! On va dire que vous trahissez la caste… » Romain Gary : « Ça m’a été dit. J’ai reçu des lettres de ce genre. J’ai également reçu des insultes d’une dame qui m’a affirmé que je minais la virilité de son mari et que j’étais un salaud d’avoir écrit ce livre-là. Je ne critique pas les hommes. Je critique deux mille ans de civilisation qui font peser sur l’homme une hypothèque de fausse virilité et de fanfaronnade de coq, de manifestation extérieure d’une virilité inexistante, ce qui est catastrophique ». [1]

2007.Propos d’une romancière … qui est loin d’être diplomate, Virginie Despentes : « Qu’est-ce que cela exige, au juste, être un homme, un vrai ? Répression des émotions. Taire sa sensibilité. Avoir honte de sa délicatesse, de sa vulnérabilité. Quitter l’enfance brutalement et définitivement : les hommes-enfants n’ont pas bonne presse. Être angoissé par la taille de sa bite. Savoir faire jouir les femmes sans qu’elles sachent ou veuillent indiquer la marche à suivre. Ne pas montrer sa faiblesse. Museler sa sensualité. S’habiller dans des couleurs ternes, porter toujours les mêmes chaussures pataudes, ne pas jouer avec ses cheveux, ne pas porter trop de bijoux, ni aucun maquillage. Devoir faire le premier pas, toujours. N’avoir aucune culture sexuelle pour améliorer son orgasme. Ne pas savoir demander d’aide. Devoir être courageux, même si on en a aucune envie. Valoriser la force quel que soit son caractère. Faire preuve d’agressivité. Avoir un accès restreint à la paternité. Réussir socialement, pour se payer les meilleures femmes. Craindre son homosexualité car un homme, un vrai, ne doit pas être pénétré. Ne pas jouer à la poupée quand on est petit, se contenter de petites voitures et d’armes en plastique supermoches. Ne pas trop prendre soin de son corps. Être soumis à la brutalité des autres hommes sans se plaindre. Savoir se défendre, même si on est doux. Être coupé de sa féminité, symétriquement aux femmes, qui renoncent à leur virilité, non pas en fonction des besoins d’une situation ou d’un caractère, mais en fonction de ce que le corps collectif exige. Afin que, toujours, les femmes donnent des enfants pour la guerre et que les hommes acceptent d’aller se faire tuer pour sauver les intérêts de trois ou quatre crétins à courte vue. »[2]

En relisant ces lignes mises de côté pour un autre projet, j’ai pensé : n’est-ce pas là que gît l’explication de la composition déséquilibrée de ma patientèle. Je reçois en moyenne 20% d’hommes pour 80 % de femmes ? Et j’ai fait le lien avec l’analyse proposée par le psychothérapeute américain Terrence Real au sujet de la dépression masculine qu’il considère comme souvent « cachée » alors que la dépression féminine serait majoritairement « ouverte ». T. Real écrit : « Les hommes sont supposés ne pas être vulnérables. La douleur est quelque chose que nous devons dépasser. Celui qu’elle déprime en sera honteux et peut-être même que sa famille, ses amis voire les professionnels de santé mentale auront honte pour lui. Cependant, je crois que c’est cette douleur secrète qui gît au cœur des difficultés présentes dans la vie des hommes. La dépression cachée est à l’origine de plusieurs problématiques typiquement masculines : maladies somatiques, excès d’alcool, de drogues, violence domestique, échecs dans les relations intimes, carrières auto-sabotées »[3]. À l’inverse, culturellement, poursuit-il plus loin : « Les femmes sont autorisées à exprimer leurs émotions et à cultiver les échanges ». Elles parlent plus facilement de leur dépression et donc fréquentent plus facilement les cabinets des thérapeutes.

Qu’en pensez-vous ? J’aimerais vous poser trois questions :

1°) Est-ce que comme moi vous constatez une moindre présence des hommes que des femmes dans vos cabinets de consultation, moindre présence due aux raisons évoquées ci-dessus … ou à d’autres ?

2°) Est-ce que comme le relate depuis quelques temps les médias vous constatez une plus grande facilité des hommes à exposer leur vulnérabilité ?

3°) Lorsque vous avez un de nos contemporains dans vos cabinets, comment procédez-vous avec les hommes qui sont dans une position fermée-défensive ?

Patrick Bailleau
Caniac du Causse
France

[1] « Romain Gary en 1975 : « L’absence de féminité dans notre civilisation est effrayante » », Le Monde du 20 octobre 2018.

[2] Virginie Despentes : « King Kong Théorie », Grasset, collection « Le livre de Poche », 2018, Paris,151 pages.

[3] Terrence Real: « I don’t want to talk about it. Overcoming the secret legacy of male depression”, Scribner Paperback, New-York, 1997, 383 pages. Cet ouvrage n’est pas traduit en français. Il s’agit ici d’une traduction personnelle.

APPEL À FORUM AAT « les modifications sociétales concernant la vulnérabilité masculine »

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