Auteurs : Philippe Ducatteew – TSTA Organisation, Martine Mainenti – CTA Organisation

 

Dans son bestseller de management « Reinventing Organisations », Frédéric Laloux parle des entreprises dites « Opales » qui pratiquent « l’auto gouvernance » c’est-à-dire qui fonctionnent sur la base de relations d’égal à égal en dehors de toute hiérarchie et sans recherche de consensus. Page 209, il évoque l’Analyse Transactionnelle : « Dans ces entreprises, il est souvent fait référence au triangle archétypal de l’analyse transactionnelle d’Éric Berne, – parent/enfant/adulte -, afin de décrire comment l’auto gouvernance crée un espace où peuvent se déployer des comportements professionnels plus sains. La relation patron/subordonné évolue souvent vers une relation parent/enfant des plus malsaines. Au contraire, la structure des entreprises autogouvernées incite à nouer des relations d’adulte à adulte, indépendamment des différences de formation, d’ancienneté et de périmètre de travail. »

On notera au passage que dans « fonctionnent sur la base de relations d’égal à égal en dehors de toute hiérarchie », « l’absence de hiérarchie » est à prendre seulement comme l’absence du principe taylorien selon lequel « il y en a qui pensent et il y en a qui vissent » puisque dans ces organisations autogouvernées il y a encore un dirigeant et des employés avec des différences de salaires.

Le contrat de travail et le triangle dramatique dans l’entreprise « classique »

Le droit du travail français prévoit dans le contrat de travail entre l’employeur et le salarié un lien de « subordination ». « Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Définition de la cour de cassation)

Cette définition a tendance à placer le salarié en position basse et l’employeur en position haute, ce qui peut permettre de faire une hypothèse dans le triangle dramatique.

Dans les entreprises « Classiques » le leadership est souvent dans les positions hautes du Triangle Dramatique Persécuteur (Gouvernance « Dictatoriale ou Harcelante ») ou Sauveteur (Gouvernance « paternaliste »). Cela dit, il n’est pas exclu qu’il puisse sortir d’un jeu psychologique en position de Victime (Cf. Le cas du DRH Air France « déchemisé »)

Dans ces entreprises le membership est souvent en position de Victime, soit Adaptée soit Rebelle. La « victimite » y est un mal répandu. Selon la théorie des jeux, il n’est pas exclu que certaines « Victimes » puissent sortir du jeu en position haute, Persécuteur ou Sauveteur (aux prudhommes par exemple).

On pourrait donc faire l’hypothèse que le lien de subordination risque de générer une autorité malsaine puisqu’à l’origine de nombreux jeux dans une relation par définition inégalitaire.

 

La relation égalitaire de l’AT ou Autorité saine et quelles en sont les conditions ?

L’AT, dans sa philosophie, prône une relation égalitaire et Berne dans son ouvrage consacré aux organisations nous dit que l’autorité du groupe se compose de deux éléments : le LEADERSHIP lui-même composé de trois fonctions (correspondantes aux trois aspects de la structure du groupe p328), et le CANON du groupe, comprenant la constitution et la culture. Pour lui l’autorité saine et puissante est celle d’un Leader qui remplit les trois leaderships en s’appuyant sur trois contrats : le Leadership Responsable sur le contrat constitutionnel : « Je suis d’accord pour appliquer cette constitution », le Leadership effectif sur le contrat social : « Respectez ma Persona et je respecterai les vôtres », le Leadership psychologique sur le principe opératif : « Je connais la place que j’occupe dans l’imago du leader » parce qu’il prend en compte les réalités humaines.

Dans les organisations du secteur marchand il est plus facile de mettre en place une relation égalitaire dans une « start up » de quelques copains que dans un groupe international multiculturel. Le succès retentissant de certaines sociétés, en général des PME l’a prouvé. Le contrat constitutionnel est facilement respecté car l’organisation a été discutée et acceptée. Le contrat social est facilement respecté car les membres se connaissent, voire se sont cooptés. Le leader personnel est identifié, accessible et disponible.

Dans les organisations du secteur non-marchand, collectivités et associatives, la question de l’autorité reste un sujet tabou et le mot leadership un « gros mot ». En effet l’organisation du travail est rigide, le contrat constitutionnel est difficile à respecter de ce fait, et du fait des problèmes de moyens. Le contrat social part plus souvent de PDV (Pas De Vague) que du respect de la personnalité de chacun qui ne peut souvent s’exprimer que dans un syndicalisme fort. Quant au leader personnel il est difficilement identifié et change souvent avec en plus une dichotomie entre le leader politique et le leader technique. La souffrance des membres de ces organisations contraste avec l’ambition et les valeurs affichées de ce secteur et se manifeste à travers les différentes formes de passivité.

Conclusion

Une option dessinée par Laloux pour laquelle les analystes transactionnels disposent d’outils méthodologiques puissants, sera de remplacer le triangle PSV par le triangle CEC : permettre au leader d’accéder aux positions de Challenger et Entraineur pour solliciter le salarié en position de Créateur. Cela sera bien sûr toujours plus facile dans une « start up » que dans une grosse administration.

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Comment l’AT peut-elle contribuer à restaurer l’espoir d’instaurer une « autorité saine » dans les formes modernes d’organisation ?

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